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Que fait Google avec notre santé ?

« Si l’on résout le cancer, on ajoute environ trois ans à l'espérance de vie moyenne [...] globalement, ce ne serait pas une si grande avancée que ça»

C'est ce que nous expliquait Larry Page, co-fondateur de Google, dans une interview du journal Time Magazine.

C'est dire les ambitions du groupe dans la santé…

Depuis sa création en 1998, Google s'est imposé comme le moteur de recherche le plus utilisé dans le monde, avec plus de 90 % de parts de marché.

La collecte de données et la publicité l’ont propulsé parmi les plus grandes capitalisations boursières mondiales.

Malgré cette domination établie, Alphabet (société mère) cherche désormais à se diversifier.

Des smart cities au milieu bancaire, en passant par le retail, le géant américain ne cesse d'élargir son champ d’action pour faire face à une concurrence grandissante (ex : ce petit outil appelé ChatGPT).

Depuis 2009, nous voyons qu'une part croissante de ses revenus est liée à d'autres secteurs que la publicité.

Parmi ceux-ci, l’un des grands paris de Google est la santé.

Avec un marché mondial estimé à plus de 8000 milliards de dollars, la firme ambitionne de devenir un acteur majeur de l'industrie médicale.

Et cela n'est pas un hasard : 7% des recherches sur Google concernent des questions de santé.

À travers l’exemple de 4 filiales, nous allons illustrer la stratégie du géant américain pour atteindre ses ambitions.

1. GV (Google Ventures)

Le nerf de la guerre

L'une des premières stratégies employées par Google pour s’immiscer dans le marché de la santé a été la création de son fonds d'investissement, Google Ventures (désormais GV), en 2009.

Gérant aujourd'hui plus de 8 milliards de dollars, GV possède un portefeuille de 400 entreprises, dont plus d'un tiers sont des entreprises médicales.

Stratégie payante

GV a investi à ce jour dans plus de 130 entreprises médicales, se diversifiant astucieusement pour cibler les technologies les plus prometteuses du secteur.

Exemple d’investissements de GV dans la santé

Comme nous le verrons par la suite, ces investissements permettent non seulement à Google d'espérer de solides rendements, mais aussi de se familiariser avec des technologies qu'il ne maîtrise pas encore pour, à terme, développer ses propres solutions.

2. Verily Life Sciences

En 2012, Google Life Sciences voit le jour (devenu Verily Life Sciences en 2015).

Cette filiale, dédiée au développement de projets dans le domaine de la E-santé, explore un large éventail de domaines médicaux.

En voici 3 exemples :

Diabète

Le diabète est l'une des maladies où Verily s'investi le plus.

En 2016, l'entreprise crée une nouvelle société, Onduo, en partenariat avec Sanofi.

Parmi leurs solutions, ils proposent une application mobile qui permet aux patients diabétiques de bénéficier d’un suivi personnalisé à leur condition.

Cette application offre plusieurs fonctionnalités clés :

  • Historique des mesures de glycémie.

  • Conseils de santé personnalisés via une mise en relation avec des équipes de soin.

  • Suivi de l'alimentation et des conseils sur la nutrition, l’exercice physique et même la gestion du stress.

En 2019, l'entreprise va plus loin et conclu un partenariat avec Orpyx Medical Technologies.

Cela permet à certains membres de leur programme d'avoir à disposition le système SurroSense®.

Ce dispositif médical est une semelle connectée qui permet une surveillance et une détection précoce des ulcères du pied diabétique.

Focus Surro Sense®

La semelle est constituée de capteurs qui détectent en continu la pression exercée sur le pied. Si la pression dépasse un certain seuil, le dispositif émet une alerte pour avertir le patient.

Maladies cardiovasculaires

Google s’y met aussi…

En 2017, l’entreprise lance la Verily Study Watch et cherche à concurrencer le géant du milieu : l’Apple Watch.

Mais loin d'être une "simple" montre connectée, l'objectif est de faire de ce dispositif un outil de recueil et de surveillance continu des données de santé.

En 2020, ils acquièrent FitBit (société spécialisée dans les objets connectés, 2,1 Mds$) pour atteindre leurs ambitions.

Cette montre vise à prévenir l'apparition d'événements cardiovasculaires, première cause de mortalité dans le monde, par une mesure continue de différents paramètres de santé :

  • Résultats d'électrocardiogramme

  • Fréquence cardiaque

  • Activité électrodermale (activité électrique de la peau utilisée comme indicateur des stimulations du système nerveux autonome)

  • Mouvements.

Verily Study Watch

Essais cliniques

Le marché des essais cliniques, d'une valeur estimée à 50 milliards de dollars et en croissance constante, est à la fois lucratif et stratégique pour Google.

En 2017, Verily lance le projet Baseline dont l'objectif est de simplifier et d'optimiser le déroulement des essais cliniques.

Dans un essai traditionnel, un groupe témoin est comparé à un groupe expérimental.

Le projet Baseline cherche à bouleverser ce principe en créant une sorte de "groupe témoin universel".

Pour ce faire, ils recrutent de larges cohortes de patient (10 000+) dont ils vont collecter les données médicales au quotidien.

Pour suivre ces données en vie réelle, Verily a mis en place plusieurs outils, dont la Verily Study Watch ou encore des capteurs pour analyser le sommeil.

Ils peuvent ainsi analyser de nombreux paramètres, tels que :

  • l'activité physique

  • le rythme cardiaque

  • l'hygiène de vie

  • la respiration

  • l'audition

  • la vue

  • le sommeil

  • l'état mental

  • ... et bien d'autres.

Cette mine d'informations va s'avérer précieuse dans la réalisation d'essais cliniques.

Et pour cause - en 2019, Novartis, Otsuka, Sanofi et Pfizer rejoignent l'initiative.

En effet, de telles données présentent plusieurs avantages pour les laboratoires pharmaceutiques :

  • Gain de temps : les longues années requises pour réaliser un essai clinique voient 20 à 30% de leur durée consacrée au recrutement des patients. Ici, une large cohorte est déjà "prête à l'emploi" et permet de s'affranchir, en partie, de ce problème.

  • Intégration des essais cliniques dans le parcours de soin : cela permet d'atténuer l'impact de ces essais dans la vie du patient et dans le travail du médecin, tout en renforçant l'engagement du patient.

  • Suivi simplifié des patients.

  • Génération d'études observationnelles qui viennent compléter les données des essais cliniques.

3. Calico

Les baleines boréales vivent jusqu'à 200 ans, la plus vieille tortue géante a célébré son 256ème anniversaire et le requin du Groenland atteint la maturité sexuelle à l'âge de 200 ans.

Qu'en est-il de l'être humain ?

En quoi nos gènes et nos cellules diffèrent de ces espèces ? Pourquoi sommes nous plus susceptibles de développer des cancers, des affections cardiaques et des troubles neuro-dégénératifs ?

C'est à ces questions que Calico veut répondre, l'entreprise qui s'est fixé l'objectif de "tuer la mort".

Les moyens pour y parvenir sont probablement l'un des secrets les mieux gardés de Google.

Nous savons cependant que Calico a fait le pari d'augmenter de 20 ans l'espérance de vie d'ici 2035.

Quoi qu'il en soit, l'acquisition de 23andMe - entreprise qui analyse le code génétique de ses clients - leur offre un accès à une base de données génomique conséquente. Cela laisse penser que la génétique a une part prépondérante dans leurs recherches.

Les maladies liées à l’âge

En 2014, la filiale scelle un partenariat avec Abbvie (1,5 Mds$) permettant aux deux entreprises de bénéficier mutuellement de leurs forces.

Aujourd'hui, plus de 20 molécules sont en essai préclinique/clinique dans des maladies telles que des cancers, des maladies neurologiques, l'homéostasie et la réparation des tissus.

Recherches sur le vieillissement

Pour comprendre le vieillissement à l’échelle humaine, encore faut-il le comprendre à l’échelle cellulaire.

Alors Calico a commencé par explorer les mécanismes qui influencent le durée de vie de ces cellules.

L'une des rares recherches dévoilées publiquement traite d'une étude sur des cellules de levures, ayant pour objectif d'identifier les gènes impliqués dans la longévité.

4. Deepmind

L’IA, avant qu’elle ne soit à la mode

Fondée en 2010 et rachetée par Google en 2014 pour une somme estimée à 500 M$, la filiale a été pionnière dans l'application de cette technologie à divers secteurs.

Mais c'est dans le domaine de la santé qu'elle a réalisé certaines des avancées les plus impressionnantes.

Diagnostic précoce des maladies

C'est l'un des premiers cas d'usage de l'IA en santé et Deepmind est en première ligne de cette innovation : créer un monde où l'on diagnostique une maladie avant même l'apparition des premiers symptômes.

Cancer du sein

Avec environ 2,3 millions de nouveaux cas par an, le cancer du sein est l'un des plus fréquents dans le monde. Malgré l'arrivée de traitements très efficaces, ce sont toujours plus de 600 000 femmes qui y succombent chaque année.

Mammographie

C'est donc naturellement que Deepmind a décidé de s'attaquer à cette maladie en premier - détecter le cancer précocement permettrait de faire chuter drastiquement ce taux de mortalité.

En 2017, l'entreprise a été capable d'identifier des tumeurs avec une précision d'environ 92%.

En 2019, une étude publiée dans Nature a montré que leur algorithme avait réduit l'incidence des faux positifs de 5,7 % et des faux négatifs de 9,4 %, en analysant les mammographies de 91 000 femmes.

Maladies oculaires

En 2019, DeepMind a fait un bond en avant dans le diagnostic des maladies oculaires.

Fond d’oeil

Son outil de vision artificielle a démontré une capacité à diagnostiquer des affections oculaires telles que la rétinopathie diabétique avec une précision équivalente à celle d'experts médicaux formés.

Ces résultats ont été obtenus grâce à l'examen de plus de 14 000 scanners oculaires par une équipe d'ophtalmologues et d'optométristes qualifiés.

Maladies rénales

L'équipe DeepMind Health a publié en juillet 2019 un article présentant un modèle de deep-learning développé pour prédire la probabilité qu'un patient soit diagnostiqué d'une lésion rénale aiguë.

En parallèle, Verily et Gv ont investi dans la startup Freenome (série B : 160 M$, série C : 270 M$) qui développe un système de dépistage précoce du cancer en utilisant le machine learning pour détecter des marqueurs sanguins avant que les tests conventionnels ne puissent les identifier.

Affaire à suivre…

Prédiction de la structure de protéines

Aujourd'hui, ChatGPT est souvent cité comme la première illustration concrète du potentiel de l'IA.

Cependant, dans des domaines plus spécialisés comme la biologie structurale, d'autres avancées majeures ont été réalisées.

S'il ne fallait en citer qu'une, ce serait probablement le projet AlphaFold de DeepMind.

L'ambition du projet est de répondre à l'une des plus grandes questions de biologie moléculaire : comment les protéines passent-elles d'une chaîne linéaire d'acides aminés à une structure tridimensionnelle compacte, qui agit comme la machine alimentant la vie ?

En d'autres termes, comment prédire la structure 3D d'une protéine à partir de sa séquence d'acides aminés - Comment fonctionne ce repliement des protéines ?

En effet, la prédiction de la structure des protéines est cruciale pour comprendre les mécanismes biologiques des maladies et développer de nouvelles thérapies.

En 2020, ce système d'IA a été capable de faire cette prédiction.

Lors du Critical Assessment of protein Structure Prediction (CASP), un événement souvent comparé aux Jeux Olympiques du repliement des protéines (rien que ça), AlphaFold a obtenu un score de 92,4% sur l'échelle du Global Distance Test (GDT), dépassant largement le seuil de 90%, considéré comme une prédiction de très haute précision.

Le principe du CASP est le suivant :

  • L’organisation envoie aux participants des structures de protéines sous forme de chaînes d'acides aminés.

  • Les participants doivent ensuite prédire la structure 3D de ces chaines d’acides aminés.

  • Les résultats sont évalués en fonction du score GDT, exprimé en pourcentage par rapport à la structure correcte (100% signifie que la prédiction correspond exactement à la structure réelle de la protéine).

AlphaFold a déjà été utilisé pour prédire la structure de protéines liées au virus SARS-CoV-2, accélérant la recherche sur les traitements et vaccins contre le COVID-19.

Mais l’initiative ne s’arrête pas la.

“This will be one of the most important datasets since the mapping of the Human Genome.”

Professeur Ewan Birney, Directeur EMBL-EBI

En 2021, en collaboration étroite avec l'Institut Européen de Bioinformatique du Laboratoire Européen de Biologie Moléculaire (EMBL-EBI), DeepMind a lancé la base de données AlphaFold Protein Structure Database.

Ce projet offre à la communauté scientifique un accès libre et gratuit au protéome humain ainsi qu'à 20 autres organismes modèles, soit plus de 350 000 structures au total.

"Ce que nous avons mis des mois et des années à faire, AlphaFold a pu le faire en un week-end.”

Professeur John McGeehan, Professeur de biologie structurelle et directeur du centre, centre d'innovation enzymatique (CEI) à l'université de Portsmouth

Prédiction des maladies génétiques

Le géant américain a développé un modèle de machine learning capable de prédire la probabilité qu’une mutation faux-sens dans le code génétique provoque une maladie.

On vous explique tout dans cet article.

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